Les frasques de Barbie et autres curiosités d’Art up

Mercredi soir a eu lieu le vernissage d’Art up, grande foire d’art contemporain de Lille qui en est déjà à sa neuvième édition.  Ce vernissage a donné le top départ pour quatre jours placés sous le signe de l’art, de la créativité et… des affaires. Au vu de la renommée de cette foire (28 000 personnes pour l’édition 2015 !) et de la communication organisée autour, je me devais d’y assister. Alors, véritable événement ou arnaque ?

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N’ayant jamais eu l’occasion d’assister aux précédentes éditions d’Art up, j’étais très curieuse de découvrir à quoi pouvait ressembler un événement de cette ampleur. J’avais déjà ma petite idée en tête et dans l’ensemble, je ne m’étais pas tellement trompée.  On perçoit immédiatement le ton donné à cette foire en voyant les hôtes et hôtesses en petit costume noir (et foulard vert pomme pour mesdames), c’est une image de marque que veut renvoyer ce salon et tout est mis en œuvre pour véhiculer ce message. On n’est donc pas (du tout) dans la démocratisation de la culture ou l’art pour tous mais plutôt dans l’art du paraître. Je m’attendais à ce côté classieux, cela ne m’a donc pas choquée particulièrement.

Maintenant pour ce qui est des œuvres présentées, impossible d’être déçu, il y en a véritablement pour tous les goûts! Et pour cause, avec 96 galeries et éditeurs internationaux la quantité d’œuvres exposées est assez phénoménale. Leur diversité et leur qualité sont aussi appréciables mais n’expose pas à Art up qui veut, les artistes passent devant un jury avant d’être choisis –ou non- comme exposants. C’est d’ailleurs une opportunité incroyable pour ceux qui sont retenus car comme l’a dit la Voix du Nord dans son article, Art up est une véritable « vitrine de l’art contemporain » et « [mercredi] en fin d’après-midi, pendant que le public, fidèle des événements culturels, amateurs et « connoisseurs » (comme on disait au XVIIIe siècle) des choses de l’art, commençait à investir les lieux, de discrètes tractations allaient déjà bon train entre galeristes et clients potentiels. Gageons que comme chaque année, des pièces ont été vendues le soir même du vernissage. »


Pour ma part, j’ai eu plusieurs coups de cœur. Tout d’abord, je salue l’inventivité et la créativité de Camille Berna (L Gallery), la plus jeune artiste d’Art up avec tout juste 16 ans. Pour elle, tout a commencé avec un projet d’école dont le sujet était de mettre en scène un des personnages de Toy Story. Selon les mots de l’artiste, beaucoup de ses camarades ont décidé de faire des choses très simples, elle, a opté pour quelque chose de plus osé. Dans ses photographies Camille Berna met en scène la fameuse poupée Barbie dans des postures qui ruinent totalement l’image cliché de la plastique de rêve et de la petite vie parfaite. En effet, les photos montrent une Barbie la tête dans l’herbe,  complètement saoule, suicidaire et j’en passe. Bref, la poupée est présentée systématiquement dans des postures peu dignes et c’est intéressant d’observer ce décalage qui peut faire penser à une critique de l’élite américaine féminine : sous le vernis, la crasse. Mais je m’emballe peut-être. Il n’empêche que c’est un travail minutieux et magnifiquement réalisé. L’artiste crée des décors dans des cartons et réalise ainsi de véritables scènes. Chapeau pour ces réalisations qui interpellent et vive la jeunesse créatrice !

Dans un tout autre registre, cette fois celui de la peinture, mon second coup de cœur était pour un artiste à la fois poète et clown triste : Thomas Bossard (Galerie l’œil du Prince). D’abord attirée par son tableau « Nymphéas » (oui j’adore Monet), j’ai ensuite eu un grand sourire lorsque j’ai vu son tableau représentant une tablée de convives (passablement éméchés) avec en arrière-plan la Liberté guidant le peuple. Le message est clair, les Français ont tendance à refaire le monde  après quelques verres (avec plus ou moins d’acharnement selon le nombre de verres ingurgités) et c’est avec ce qui semble être un regard bienveillant que Thomas Bossard peint cette toile. Si d’autres tableaux m’ont fait sourire (comme celui de la petite fille qui lit tranquillement son livre en espérant que personne ne remarquera les dégâts qu’elle a faits à l’un des tableaux accrochés au mur), d’autres au contraire m’ont vraiment serré le cœur comme son tableau solitude qui représente un homme mangeant seul et face à lui, le portrait d’une femme dessiné à la craie sur le mur ou le repas « familial » où les enfants tiennent un cadre devant leur visage, comme s’ils espéraient qu’ainsi ils prendraient de l’importance aux yeux de leurs parents apparemment indifférents. Entre joie et tristesse, il se dégage une poésie incroyable de ces tableaux et si leur sujet et leur message sont beaux, la technique de peinture utilisée m’a également beaucoup plu. Bref, si j’avais pu, j’aurais bien acheté quelques unes de ces toiles, dommage j’avais oublié mon chéquier… (on va dire ça comme ça).

Mon troisième coup de cœur est pour les sculptures de Sophie Verger (Galerie Septentrion), placées sous le signe de la tendresse. Familles d’animaux ou rencontre en humains et animaux, ces sculptures apportent de la douceur avec leur rondeur et dépeignent une certaine innocence dans leur sujet. C’est le contre-pied total du cliché de l’art contemporain : choquant, violent, kitsch ou encore trash, et ça fait du bien !

Je n’évoque que ces trois artistes car je ne peux malheureusement pas parler de tous ceux que j’ai appréciés (ou tous ceux qui m’ont fait me retourner… pas forcément par admiration) mais pour me rattraper, je vous mets des photos qui éveilleront peut-être votre curiosité et vous pousseront à pousser les portes de ce salon.


Pour ce qui est des points négatifs, tout se résume pour moi à un mot : le snobisme de ce type d’événement, auquel je m’attendais certes, mais qui n’en reste pas moins déplaisant. Cela a déjà commencé au vestiaire où l’on m’informe que si je ne viens pas en tant qu’entreprise invitée je dois payer pour déposer mes affaires. Payer un vestiaire n’a rien d’inhabituel mais quand déjà le tarif de l’événement est 9€, je trouve ça exagéré. Et ensuite, plus flagrant encore, les nombreux espaces privés/ VIP auxquels vous ne pouvez accéder que sur invitation. Ces espaces créent de véritables entre soi, il y a ceux qui sont désirés et ceux qui sont tolérés, cette distinction est assez claire et franchement désagréable pour le visiteur lambda. Dommage.


Pour conclure, j’ai passé plus de 2h à arpenter les allées de ce salon et j’ai passé un très bon moment, c’est un régal pour les yeux et malgré le monde, aucune sensation d’étouffement, on peut circuler librement et s’approcher des œuvres. C’est aussi l’occasion de discuter avec quelques artistes et pourquoi pas, de faire une ou deux acquisitions pour votre salon !

6 réflexions au sujet de “Les frasques de Barbie et autres curiosités d’Art up”

  1. J’aime beaucoup les oeuvres de Thomas Bossard et Sophie Verger. Camille Berna réalisé ici une assez belle critique de la société américaine (ou de la société en général). Mais j’ai vraiment un coup de coeur pour Thomas Bossard personnellement.

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