Le Moulin d’Or, ou l’histoire d’une bonneterie transformée en café

Vous êtes probablement déjà passés de nombreuses fois devant le fameux café Morel & Fils mais vous êtes-vous déjà arrêtés devant ses vitrines ou sa façade, et êtes-vous déjà entrés pour prendre un verre?

Il est des lieux qui nous sont si familiers que l’on passe devant sans vraiment prêter attention aux détails, c’est souvent le cas des bâtiments du centre-ville. Ce café, partie intégrante du rang du Beauregard, ne fait probablement pas exception. J’ai traversé la place du théâtre un nombre incalculable de fois sans m’intéresser à l’histoire de cet établissement, c’est seulement il y a deux ans que je l’ai apprise.

Si l’on est immédiatement séduit par la façade en bois de ce lieu, certains détails ne manquent pas d’intriguer. Pourquoi est-il écrit « lingerie, bistrot, corseterie » et « brasserie, bonneterie » sur la devanture? Le lieu a-t-il plusieurs fonctions?

Morel & Fils n’est un café que depuis juin 2003. A l’origine, cet endroit était une bonneterie: un commerce de linge de maison, draps et tissus. Après la Seconde Guerre mondiale, les Morels se réorientent vers la vente de chaussettes, collants et bas, ils élargissent finalement la gamme avec la vente de lingerie fine et de pyjamas. Plusieurs générations de Joseph Morel (oui, pendant longtemps ils avaient tous le même prénom) se sont succédé dans cet établissement.

Le descendant de ces Joseph, Bernard de son prénom, a décidé de rompre avec la tradition et de transformer ce lieu en café en gardant néanmoins le fameux moulin d’or de la façade qui commémore la victoire de Valmy (1792) face aux troupes prussiennes.

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C’est cette même bataille, et plus précisément le siège de Lille, que commémorent les boulets incrustés dans les briques des façades du rang de Beauregard (le rang de maisons place du théâtre à côté de la Vieille Bourse). Même si certains aiment à croire qu’il s’agit des véritables boulets tirés par les canons d’Albert de Saxe il n’en est rien puisque ceux-ci sont en fer et ont été placés là quelques années plus tard par les propriétaires des maisons.

A l’occasion des travaux de rénovation du rang du Beauregard en 1997, l’un de ces boulets a été peint en rose pour suggérer un sein, par le précédent propriétaire. Comme l’explique Jules Morel dans un article de la Voix du Nord: « Avant le démontage de l’échafaudage, mon père a apposé un bouchon de vin sur l’un des boulets, c’était comme mettre un téton sur un sein » trouvant la blague adaptée vu l’ancienne fonction du lieu, elle a été adoptée.

L’auteur de la transformation, Bernard Morel, est décédé le 14 décembre 2009 et c’est son fils, Jules, qui a repris l’affaire familiale. Le charme opère toujours dans ce lieu qui semble hors du temps aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. A court d’argent lors de l’ouverture du bar, Bernard Morel déniche son mobilier dans des brocantes. Le bar au rez-de-chaussée est d’ailleurs un autel d’église du XIXème siècle. On aperçoit régulièrement dans les vitrines de vieux mannequins en bois ou des bibelots kitsch. Les vitrines changent régulièrement et sont parfois de petites expositions à elles seules. Lors de la période des élections régionales, des pancartes appelaient les Lillois à aller voter.

 

L’ensemble du rang du Beauregard est classé monument historique depuis 1966, le café en faisant partie, il est également protégé  pour sa façade et sa toiture.


Petite anecdote: la salle du bas a servi de lieu de tournage à Bienvenue chez les Ch’tis pour la fameuse scène d’apprentissage du patois par Kad Merad. On reconnaît bien l’escalier en bois à double distribution du café.

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Scène tirée du film « Bienvenue chez les Ch’tis »

Mise à jour du 17/01/2016: Une brocante a été organisée afin de vendre le mobilier du café qui va faire peau neuve. Espérons que le charme demeure!

Mise à jour du 20/04/2016: La ré-ouverture du café a eu lieu ce midi, je n’ai pas encore eu le temps d’aller pousser la porte pour voir si la charme opérait toujours mais d’après les photos que j’ai vu, j’ai l’impression que l’endroit aura moins de cachet. L’article de la Voix du Nord qui semble vouloir rassurer les habitués ne rassure pas tellement et se contredit plutôt dans ses propos:

Que les nostalgiques se rassurent : rien ou presque n’a changé dans l’emblématique café-brasserie de la place du Théâtre. Les murs verts ont cédé la place à des murs ivoire, les tableaux ont été décrochés et on n’y voit plus l’ombre d’un mannequin.

Bref, tout a changé mais c’est tout pareil… Bon, on verra….


Sources:

  • Lille secret et insolite, les mystères d’une insoumise, Eric Maitrot, photographie Sylvie Cary, Les Beaux-jours
  • « Morel et Fils : une épopée familiale commencée il y a deux siècles à Lille » La Voix du Nord, Frédérick Lécluyse, 16 mai 2013
  • Base Merimée

3 réflexions au sujet de “Le Moulin d’Or, ou l’histoire d’une bonneterie transformée en café”

  1. La façade est juste sublime ! J’aime les lieux qui ont une longue histoire comme ça et qui se transmettent de famille en famille. Il faudra que tu me le montres parce que moi non plus je n’y ai jamais prêté attention !

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  2. Bonjour, sachez également que l’ébéniste qui a créé ce moulin d’or est l’œuvre de Mr Verhille Gerard ! Merci pour ce joli moulin.

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