A la quête d’une nouvelle expo à découvrir ce week-end, je me suis penchée sur la programmation de la Condition Publique à Roubaix et, bingo, en ce moment une « exposition-spectacle » est au programme. Après avoir regardé en quoi ça consistait et jeté un coup d’oeil aux avis, j’ai décidé de réserver ma place, intriguée par le concept assez novateur. Samedi je suis donc devenue Nalin, jeune cambodgienne de 19 ans qui doit partir travailler à l’usine. Alors c’est parti, partons au Cambodge, je vous raconte.
La condition Publique
Vous ne connaissez peut-être pas ce lieu qu’est la condition publique, je l’ai moi-même découvert pendant mes études, je n’en avais pas entendu parler auparavant. Initialement il s’agissait d’un établissement public, propriété de la Chambre de commerce de Roubaix. Pendant 70 ans ( de 1902 à 1972), sa mission était de contrôler et certifier la qualité de différentes matières textiles avant leur vente, essentiellement la laine, le coton et la soie (Eh oui, c’est Roubaix, on reste forcément dans le textile). La particularité de ce bâtiment est qu’il est organisé autour d’une rue couverte de 140m qui permettait aux camions de livrer la marchandise.
En 1998, il est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques et en 2004 (Lille, capitale Européenne de la Culture) le bâtiment est réhabilité. A présent ce lieu abrite des événements de tous genres: du vintage weekender (WE prochain), à la braderie de l’art ( le 3&4 décembre) en passant par l’usine de films amateurs (pendant Lille Renaissance). Il y en a pour tous les goûts :, art, spectacle, musique, mode, ateliers, ciné-concerts… C’est un lieu à découvrir!
L’exposition-spectacle
En ce moment (depuis le 16 septembre jusqu’au 30 octobre), l’exposition-spectacle Nés quelque part a investi les lieux. Même si on imagine à peu près ce que ça peut être, on ne sait jamais totalement à quoi s’attendre quand on assiste à une représentation de ce genre et c’est toujours une sorte de pari que l’on fait. J’avais plusieurs craintes quant à celle-ci, d’abord ses thèmes: les enjeux du climat et du développement de la planète. J’avais peur que l’on tombe dans le pathos, le pessimisme, l’alarmisme voire le défaitisme. Je me demandais également quelle serait la proportion d’interactivité, à quel point il faudrait se mettre en avant. Se mettre en scène devant de parfaits inconnus n’est pas toujours évident.
Mais j’ai laissé mes réserves de côté et j’ai choisi de vivre cette expérience. Lorsque l’on arrive, on nous attribue une identité en nous distribuant un petit livret qui raconte l’histoire du personnage que l’on va incarner pendant 1h30. On en apprend plus sur son histoire, sa famille et la problématique du pays. Je suis tombée sur Nalin, 19 ans, fille d’agriculteur au Cambodge. J’ai tout de suite repensé à l’expo Phnom Penh (capitale du Cambodge) que j’avais vue à l’Hospice comtesse à l’occasion de Lille Renaissance. Mais même sans rien savoir sur le pays, on n’est pas perdu puisque le livret résume déjà assez bien le contexte historique. Je ne sais pas si ils essayent de faire coller genre et âge, pour moi ça restait assez proche (je suis plus proche de 19 que de 40) par contre pour d’autres pas franchement mais c’est peut-être parce qu’ils sont arrivés à la fin et qu’ils ont eu ce qui restait.
Après avoir attendu quelques minutes, la visite démarre, on nous explique rapidement comment elle va se dérouler et puis c’est parti. Un petit film introductif de 7-8min nous resitue le contexte mondial. En 2015, l’ONU a fixé 17 ODD (objectifs de développement durable) pour mettre fin à la pauvreté , lutter contre les inégalités et les injustices, faire face au changement climatique et construire un monde commun d’ici 2030. Mais au lieu d’être alarmiste comme je le craignais, le ton se veut immédiatement rassurant et on nous explique qu’en 15 ans (2000-2015) des progrès énormes ont déjà été faits et les inégalités (comme le taux de mortalité infantile) ont fortement reculé. Le bilan de l’extrait vidéo est plutôt positif et encourageant, ça met toute de suite dans de meilleures conditions pour continuer (bah oui si on est déjà déprimé, la visite peut difficilement être funky après).
Les visiteurs sont répartis en 7 catégories: Cameroun, Polynésie, Niger, Cambodge, Maroc, Colombie et Nigéria. Après le film, chacun se dirige vers son « habitation » représentative de son pays (on se laisse guider par les indications et les codes couleurs c’est vraiment très bien fait). Je pénètre alors dans la maison familiale où grand-mère nous attend. Elle nous rappelle l’histoire de la famille et du pays (bah oui, on a dû se prendre un coup sur la tête on avait tout oublié mon père (x2), mon frère (x2) et moi (x3)).
Cette entrée en la matière est déjà touchante puisque l’histoire du Cambodge, avec la domination des Khmers rouges, est assez sombre. Mais cela ne dure pas très longtemps, grand-mère part et c’est la tante Sieth qui arrive pour annoncer la nouvelle: Nalin va aller travailler à l’usine à Phnom Penh. Tout est dans la discussion, l’interaction et ça vient assez naturellement. On ne nous demande pas de prononcer de grands-discours mais de prononcer une phrase ici ou là, comme on ferait la conversation polie avec sa propre famille. On se laisse très vite prendre au jeu finalement et on a envie de découvrir l’histoire de son personnage, alors on suit les étapes qui nous sont indiquées.
Un audioguide nous est distribué et fait le lien entre les étapes du « voyage » il compte le trajet entre le village et la capitale, le ressenti de Nalin… Une fois arrivé à l’usine on est face à un écran qui se synchronise avec l’audioguide (je ne sais pas comment ça fonctionne exactement, par capteur je suppose, mais c’est super bien fait!). On effectue la tâche que Nalin doit faire à l’usine: plier des essuie-lunettes et les mettre dans une pochette plastique en 30sec. Les étapes se suivent et on découvre notre salaire, on doit choisir combien d’argent envoyer à la famille. Puis on nous dit que l’on s’est blessé sur le trajet en allant au travail, on est tombé de scooter. Il est alors temps de changer d’endroit et d’aller au centre de santé. (et là on nous fait un super plâtre avec… un bout de sparadrap d’environ 2 cm).
On y apprend que de nouvelles initiatives ont été mises en place notamment en ce qui concerne l’assurance santé, payée par l’entreprise mais aussi que les agriculteurs peuvent bénéficier d’une assurance en payant 5$/an. La fin de la visite est un débriefing où on partage ce que l’on a appris dans la maison familiale (avec cette chère tante à nouveau). On nous donne des grains de riz et ces graines sont à échanger avec les visiteurs d’autres pays pour qu’à la fin on ait des graines de chaque pays.
Ces grains vont d’ailleurs servir par la suite quand on vous demande votre opinion si vous vous sentez: engagé, impuissant, enthousiaste, pas concerné, confiant ou inquiet à propos de l’avenir de la planète. Il semblerait que les gens soient engagés, inquiets mais confiants.
Si j’avais peur que ce soit déprimant, c’est en fait tout le contraire et j’ai beaucoup ri pendant ces 1h30 de visite-spectacle (j’ai d’ailleurs eu l’impression que ça a duré 20min!). Et pourtant on apprend des choses sur le pays dont on incarne un habitant. C’est la définition même du ludique, on apprend en s’amusant. D’ailleurs il y avait pas mal de jeunes. En fait c’est la première fois que je vois une expo où il n’y a pas une personne de plus de 45/50 ans (il y en a sûrement en temps habituel mais à l’heure où je suis allée je n’en ai pas vu). Je pense que les visiteurs avaient entre 5 et 40 ans.
Finalement en ressortant on n’a qu’une envie c’est de découvrir un autre pays, et je ne suis pas la seule, c’est l’opinion générale quand on ressort. On le retrouve d’ailleurs sur « l’arbre d’or » (il y a aussi un livre d’or classique).
Vous vous demandez peut-être comment ça se fait que j’ai des photos de tous les pays alors que je n’en ai fait qu’un? Eh bien, pour l’intérieur de l’expo ce ne sont pas les miennes, c’est difficile de prendre des photos quand on est actif dans une expo et c’était interdit de toute façon, j’utilise donc les photos « presse ».
Pour ce qui est des informations pratiques vous pouvez les trouver ici
Et enfin, par ce qu’en lisant le titre de l’expo j’ai tout de suite eu la chanson « Né quelque part » dans la tête, je partage avec vous, ça colle assez à l’esprit en plus.
J’avoue que j’étais assez sceptique quand tu m’en as parlé mais en fait ça avait l’air vraiment génial. J’espère qu’ils referont d’autres expositions de ce genre, c’est très interactif et ludique, c’est exactement ce qu’il faut pour intéresser les gens à la cause de ces pays.
C’est très sympa, j’ai emmené Coline tu pourras lui demander son avis. 🙂